Le chant des morts

 Three poems by Pierre Reverdy

LE CHANT DES MORTS, 1944-48
 
 
J’ai retrouvé l’île natale
L’archipel des mots libérés
Le sens le plus cruel des gestes furtifs
Dans l’ombre où la crainte se dissimule
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Derrière le rideau mouvant de la pensée
A peine le dessein perçant sous les gerçures
Un doigt de miel sur les lèvres ourlées
Le grognement du ciel tard dans les encoignures
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Où se cache l’absence d’un amour étoilé
Figure du retour sanglant à main remise
Désastre d’un destin tardivement éclos
Navire fracassé à l’angle des banquises
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On joue à qui perd gagne sur les mots
Et sur le sol de sel durci à la lumière
Fatigué de t’entendre écouler tant de pleurs
Fleurs du matin roussi
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Cœur dans mes mains de cendre
Dunes mouvantes du désert
 
 
TEMPS SEC
 
Un feu naturel flambe dans la grille des bois
A la racine prise au fond de la mémoire
Les sentiers imprévus et le ravin plus bas
Le trou creusé du ciel où les bêtes vont boire
Il n’y a qu’un moment plus frais dans la saison
dont les rousseurs s’effacent
sur le visage inquiet du vagabond
toujours conduit et rejeté
au temps qui le dépasse
La pluie manque au rocher
Le sillon suit son pas
Et l’homme fatigué revient sur la nuit noire
La route de clarté reflète un tourbillon
Une bouffée de mots tièdes qui veulent dire
Tous les oiseaux du ciel cherchent une oraison
Les arbres sont pris de délire
Tout est perdu dans la réalité
Tout est trop loin pour la main prisonnière
Le filon d’or
et la lumière
Le dernier regard de l’Été
 
 
ORAGE
 
 
La fenêtre
un trou vivant où l'éclair bat
Plein d'impatience
Le bruit a percé le silence
On ne sait plus si c'est la nuit
La maison tremble
Quel mystère
La voix qui chante va se taire
Nous étions plus près
Au-dessous
Celui qui cherche
Plus grand que ce qu'il cherche
Et c'est tout
Soi
Sous le ciel ouvert
Fendu
Un éclair où le souffle est resté
Suspendu.         
 SONG OF THE DEAD, 1944-48
Translation - Sam Gordon
 
I have regained the island
The archipelago of words unbound
The cruelest sense of stolen gestures
In the shadows where fear conceals itself
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Behind the twitching curtain of thought
The sketch barely piercing the cracks
A sliver of honey lines pursed lips
The groaning of the evening sky in every corner
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Where hides an absence of any starlit love
Turning face bound with hand checked
Disaster of a fate coming late to bloom
Ship shattered at the edge of ice floes
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We play word games of loser’s chess
And on the salty soil baked solid by the light
Tired of hearing you eke out so many woes
Flowers of the scorched morning
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Heart in my hands of ash
The desert’s rolling dunes
 
 
DRY WEATHER
 
A wild flame blazes at the gate of the woods
Rooted down in the depths of memory
Down unknown paths and the gully below
The hole dug in the sky where the beasts go to drink
There is but one fresher moment in the season
when the freckles fade
on the anxious face of the wanderer
always driven away rejected
by time overwhelming
Rocks long for rain
Furrows long too
And the tired man turns back to the dark night
The lighted way resembles a whirlwind
A gust of warm words which want to speak
All the birds in the sky seek out their prayer
The trees are driven to folly
Everything lost in reality
Everything too far for the captive hand
Seam of gold
seam of light
Summers final glimps
 
 
ГРОЗА
Перевод - Александр Чертков
 
Проём окна
живая дыра в ней молний раж
Нетерпеливый
Гул пронзает воздух молчаливый
И неведомо ночь сейчас или нет
Дом дрожит
Что за секрет
Голос поёт но скоро замолчит
Мы были ближе
Ниже
Тот кто ищет
Больше чем то что он ищет
Вот и всё
Я
Под открытым небом
Расколотым
Молнией затаил дыхание и не
Задышал снова
                                                                                        
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